Exigez une preuve de la créance
S'il n'y a pas prescription, vous pouvez encore trouver une porte de sortie en demandant au créancier de démontrer l’existence de la dette. ça ne va pas lui faire plaisir mais c’est ainsi : c’est bien au créancier de prouver que vous lui devez de l’argent, et non à vous de prouver que vous ne lui en devez pas ! Souvent, lorsqu’il s’agit d’une commande d’articles ou d’une prestation de service, les sociétés envoient une simple facture en guise de preuve. Quelle farce ! La facture est d’abord un document unilatéral qui n’a aucune valeur de contrat synallagmatique. Autrement dit, elle ne prouve pas qu’il y a eu échange de consentement. Si le créancier ne vous envoie pas la copie d’un contrat ou d’un bon de commande signé de votre main, il l’a dans l’os ! Et ce n’est pas tout : certaines entreprises envoient une facture globale sans tenir compte de l’acompte que vous avez éventuellement versé. Elles présentent effectivement la totalité pour être certaines que les agences de recouvrement à qui elles font appel acceptent les dossiers importants. Mais, de la sorte, les créanciers commettent une grave erreur : il s’agit ni plus ni moins d’un faux et usage de faux doublé d’une tentative d’escroquerie. Autant le leur faire savoir !
=> Mais comment réagir si votre créancier ou l’agence mandatée pour recouvrer la dette vous adresse un bon de commande ou un contrat sur lequel, pas de chance, vous reconnaissez bien votre signature ? Ne payez pas encore car si vous venez de perdre une bataille, vous n’avez pas encore perdu la guerre : la société doit encore prouver qu’elle a bien réalisé sa part du contrat en présentant un bon de livraison ou un accusé de réception que vous avez également paraphé. Sans ce couple – bon de commande + bon de livraison –, vous avez toutes les chances de l’emporter devant le juge en contestant une éventuelle injonction de payer. L’idéal est même de prendre les devants : faites savoir au créancier que la dette qu’il vous réclame est loin d’être fondée. Que va-t-il se passer ? Evidemment, de son côté, le créancier ne l’entendra probablement pas de cette oreille. S’il estime vous avoir présenté tous les documents prouvant que vous êtes bien redevable et que vous ne payez toujours pas, il peut demander un titre exécutoire. Il s’agit d’une décision de justice ou d’un acte notarié qui impose le paiement d’une dette. Dans le cas d’une créance d’origine commerciale ou bancaire, le titre exécutoire prend la forme de la fameuse « injonction de payer ». Pour l’obtenir, le créancier va simplement remplir un papier spécial (formulaire Cerfa 12947), appelé « requête », et envoyer les documents de votre dossier (bon de commande, bon de livraison, mise en demeure…) à un juge de proximité si la dette est de moins de 4 000 € ou au greffe du tribunal d’instance au-delà. L’homme de loi, en son âme et conscience, se fera sa propre opinion. S’il estime la demande fondée, le juge rendra « ordonnance portant injonction de payer » que vous recevrez par huissier (le papier est toujours bleu mais, là, il faut le prendre au sérieux). Inutile d’aboyer contre cet huissier : celui-là est envoyé par le juge – pour être certain que vous recevez l’injonction – et non par votre créancier. Il n’a donc absolument pas le pouvoir de saisir quoi que ce soit.
Annoncez que vous contesterez l’injonction de payer
L'injonction de payer ne signifierait toujours pas la fin de la partie, même si le paysage s'en trouverai soudainement assombri... Mais, à ce stade, bien que le juge ait pris une première décision à votre encontre, vous n’auriez pas encore eu l’occasion de vous défendre. Aussi, pour rééquilibrer la donne, vous disposeriez d’un délai d’un mois pour contester l’ordonnance d’injonction (voir la lettre-type 225). Il suffirait simplement d’envoyer un courrier par lettre recommandée avec accusé de réception ou de vous rendre au greffe du tribunal qui a rendu l’ordonnance (si vous ne le faites pas, l’injonction devient exécutoire et la saisie possible). En vous opposant à l’injonction, vous compliqueriez sacrément la vie du créancier car le juge convoquerait alors tout le monde dans son bureau. Le créancier serait donc contraint de se déplacer lui-même ou, plus coûteux, d’envoyer son avocat sans être certain que la décision lui soit favorable une deuxième fois. Pire : le tribunal compétent est toujours celui du domicile du débiteur, autrement dit le vôtre ! Si votre créancier est à l’autre bout de la France, pensez-vous qu’il traverserait le pays pour une dette qui n’en vaut peut-être pas le coup ?
=> Bien entendu, le but est de ne jamais connaître la réponse à cette question en enterrant l’affaire dès la phase amiable, donc avant que le juge ne rende son ordonnance. Voici donc l’astuce pour mettre la pression sur le créancier ou son agence de recouvrement si vous estimez que la dette n’est pas fondée : montrez-lui d’emblée que vous connaissez aussi bien – sinon mieux – le droit que lui. Expliquez d’abord que, faute de preuve, vous ne reconnaissez pas le bien-fondé de la créance. Et ce n’est pas tout : dites-lui également que si, lors d’un moment d’égarement, l’idée lui traversait l’esprit de saisir le tribunal afin d’obtenir une injonction de payer, vous la contesteriez sur-le-champ (utilisez la lettre-type 237-3). Il s’agit de lui couper l’herbe sous le pied avant même qu’il ait le temps de sortir la tondeuse ! Sachant que vous vous opposerez de toute façon à la décision du juge si elle lui était favorable, il y réfléchira à deux fois avant de poursuivre dans cette voie judiciaire : une opposition de votre part se traduirait automatiquement par sa convocation devant le tribunal. Ce qui prendrait du temps et de l’argent. Autant de raisons, pour lui, de refuser le combat en jetant l’éponge d’emblée !
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