Des menaces à ne pas prendre pour argent comptant !
Une lettre de
mise en demeure envoyée par une société de recouvrement ne peut pas être
rédigée à la va-vite sur le coin d’une table de cuisine. Comme il s’agit d’un
document important – il vous signifie que vous êtes officiellement en retard
dans le paiement d’une facture –, le décret du 18 décembre 1996 exige que
l’officine mandatée par le créancier rappelle quelques mentions dans son
courrier. S’il en manque une, la mise en demeure pourrait être frappée de
nullité ! Dans ce cas, autant faire la sourde oreille en dormant sur les deux
(oreilles). Plus fort : l’absence d’une de ses mentions est sanctionnée par une
contravention de cinquième classe (jusqu’à 1 500 € d’amende). Voici donc ce que
vous devez trouver dans la lettre de mise en demeure…
=> Le nom
et la dénomination sociale – pas simplement l’enseigne ou la marque – de l’organisme
chargé du recouvrement amiable, son adresse ou son siège social, ainsi que l’indication
précise qu’elle exerce une activité de recouvrement amiable.
=> Le nom
ou la dénomination sociale du créancier, son adresse ou son siège social.
=> Le
fondement et le montant de la somme due, détaillant le principal, les intérêts
et les frais divers.
=> L’indication
d’avoir à payer la somme due et les modalités de paiement de la dette (délai, mode
de versement, etc.).
=> La
reproduction intégrale des troisième et quatrième alinéas de l’article 32 de la
loi du 9 juillet 1991 : « Sauf s’ils concernent un acte dont
l’accomplissement est prescrit par la loi, les frais de recouvrement
entrepris sans titre exécutoire restent à la charge du
créancier. Toute stipulation contraire est réputée non
écrite. Cependant, le créancier qui justifie du caractère
nécessaire des démarches entreprises pour recouvrer sa créance
peut demander au juge de l’exécution de laisser tout ou partie des
frais ainsi exposés à la charge du débiteur de mauvaise foi. »
Bon à savoir
Depuis le
décret de 1996 qui réglemente l’exercice du recouvrement de créance, les
sociétés ou personnes voulant exercer cette activité ont quelques obligations.
Elles doivent notamment procéder à une déclaration écrite d’activité auprès du procureur
du tribunal de grande instance, en justifiant qu’elles ont souscrit une
assurance au titre de la responsabilité civile professionnelle. Elles doivent
aussi ouvrir un compte bancaire exclusivement affecté à la réception des fonds
encaissés pour le compte des créanciers. Dans le but d’éliminer les moutons
noirs, le parquet a une liste des sociétés exerçant cette activité et est en
mesure de les contrôler. Malheureusement, au vu des affaires récentes, il reste
des moutons gris (foncé) car la loi n’est pas toujours respectée.
=> Tous ces faits expliquent les dérapages de certains recouvreurs qui sortent l’artillerie lourde pour des dettes finalement modestes. Mais les pressions sont d’autant plus efficaces sur des personnes parfois fragiles, connaissant mal leurs droits et qui ont souvent une dette à se reprocher ! Ne vous laissez pas abuser par les nombreux courriers envoyés en lettres simples puisque, sans accusé de réception, il ne peuvent pas faire foi juridiquement. Une bourde de l’agence de recouvrement ? Pensez donc ! Elle a évidemment parfaitement conscience que, face à un juge, des lettres expédiées sans preuve de bonne réception ne valent pas plus qu’un rouleau de papier hygiénique. Ce qui prouve, une fois encore, que les relances ne sont pas destinées à faire avancer une procédure mais simplement à vous intimider. Vous pouvez donc vous asseoir dessus ou, mieux encore, retourner la situation à votre avantage : conserver cette correspondance de manière à prouver un harcèlement manifeste et obtenir des dommages et intérêts.
Il vous menace ? Profitez-en !
Puisque la société de recouvrement cherche à vous mettre la pression, pourquoi ne pas inverser la vapeur ? Il s'agit donc de garder tous les documents qui pourraient la mettre en difficulté en invoquant un comportement malveillant de sa part. Tout élément est recevable. Ainsi, certaines utilisent des enveloppes de couleur bleue ou portant une mention spécifique comme « dernière relance » permettant à n’importe qui (votre facteur, le gardien, un voisin…) de se faire une idée très précise sur son contenu. Et hop, un élément de plus pour prouver que le respect de votre vie privée n’a pas été honoré ! Si les opérations d’intimidation touchent votre entourage, demandez aux personnes contactées par la société de recouvrement (famille, employeur, gardien, voisin…) de rédiger un témoignage sur papier libre accompagné d’une copie de leur pièce d’identité. « Dans ce domaine, on voit de tout, raconte un huissier de justice. Par exemple, des agences de recouvrement, faisant fi de la législation la plus élémentaire, menacent les débiteurs de s’adresser à leur banque pour y obtenir un relevé d’identité bancaire dans le but de générer un prélèvement automatique ! » Et pourquoi pas un chéquier ou le code de votre carte bancaire aussi ?
=> En fait, le marché du recouvrement de créance est un vrai panier de crabes dans lequel il s’agit de ne pas vous faire pincer. N’importe qui peut se déclarer compétent du jour au lendemain puisque aucun diplôme ou autorisation n’est nécessaire. La loi dit même qu’un simple particulier peut se lancer dans cette activité sans avoir besoin de créer une entreprise ! « On évalue à environ 250 le nombre de sociétés spécialisées mais des structures pratiquent le recouvrement sans être déclarées », explique Nathalie Lameyre, présidente de la Figec (Fédération nationale de l’information d’entreprise et de la gestion de créances). Cette association de sociétés de recouvrement a établi une charte déontologique pour tenter de limiter les abus et redorer l’image du secteur. Les principes généraux de cette charte en disent long sur les dérapages relevés : « nonagressivité », «appels téléphoniques uniquement entre 7 heures et 21 heures », « respect des règles de discrétion dans le contact avec des tiers », « interdiction d’usurper l’identité d’autrui », etc. Mais ça ne suffit pas puisque, coïncidence malheureuse, Contentia International est membre de la Figec !
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